Le Sourou ..
1990 - Un peu avant Noël, nous quittons la France ..
Le petit est chargé comme un baudet ...
J’ai rempli son sac à dos Koala de plus de deux kg de chocolats et autres.
– Allez mon poussin, tu souris et tu fais comme si c’était léger, sinon l’hôtesse va nous chiper les chocolats pour son Noël !
Paris/Ouagadougou
Mon homme (l’heureux papa du poussin) nous attendait à l’arrivée et comme souvent, nous passons la nuit dans une case de passage composée de deux chambres sobrement meublées d’un lit et d’une armoire. Un néon blafard au plafond, pas de rideaux mais des draps propres, le minimum tristounet des cases de passage où l’on est toujours content de poser nos bagages ! Et le lendemain, après cinq heures de piste de latérite rouge et de paysages changeants, nous allons découvrir un tout petit camp de quatre jolies cases rondes au toit de chaume et aux murs blanchis à la chaux. Plus tard, je peindrai notre porte en mauve ! Nous étions en saison sèche, la température était plutôt douce et l’harmattan faisait le ménage à sa façon : les feuilles mortes virevoltaient et une fine poussière ocre se déposait partout !
Le chantier était un projet hydro-agricole avec des digues, canaux d’irrigation et stations de pompage, les travaux devaient durer quinze mois.
Le premier Noël ..
Dans la brousse toute proche, nous avons coupé un "n’arbe" de Noël et l’avons un peu décoré, on a tout prévu dans nos bagages, pour être sûr que le Pèpère en rouge et blanc y dépose des cadeaux. Un n’arbe de Noël, c’est comme un sapin mais sans sapin, un bout d’arbre, quoi ! Et ça marche, youpiii, au matin les paquets étaient bien là !
Un petit bonhomme de quatre ans et demi, c’est curieux et parfois téméraire. Jo était intrépide et passionné de découvertes.
Moi : - Attention Poussin, sous les pierres, il peut y avoir des serpents.
Et bien sûr, le lendemain ...
Lui : - maman, maman, j’ai soulevé toutes les pierres, j’ai pas trouvé de serpent mais je recommence demain !
Rencontre avec ILSE ..
Pour le réveillon du 31 décembre, je fis la connaissance d’Ilse et Willy qui habitaient à Tougan, à une heure trente de piste de chez nous. Willy était l’ingénieur agronome du chantier, Ilse assurait les cours par correspondance de leurs deux filles, Maggie & Cheryl. Pour l’occasion, une grande table avait été joliment dressée dans leur jardin. Chacun y avait déposé des mets salés, sucrés et des boissons, nous ajoutons les nôtres. Une vingtaine de personnes de tous horizons discutaient gaiement en buvant un verre, une belle soirée sous les étoiles, et les spécialités indonésiennes d’Ilse étaient savoureuses !
Elle est ma cadette d’un an moins deux jours (!) Originaire du Surinam et de langue hollandaise, elle parle très bien l’anglais et le français, avec un accent charmant. Son sourire rayonne et sa bonne humeur est communicative. Nous partagerons beaucoup de bons moments, balades, goûters des enfants, anniversaires, Ilse n’a pas son pareil pour inventer des parcours de jeux pour les enfants !
La vie en brousse ..
Notre petit camp est à cinq cents mètres du village de N’Gouran, nous allons souvent nous y promener et y faire de petits achats, le poussin et moi, les villageois sont très gentils et le maïs grillé délicieux sent bon et noircit les dents, c’est rigolo. C’est une région de périmètres agricoles, des cultures pour l’exportation, haricots verts extra-fins entre autre. Beaucoup de villageois cultivaient leur parcelle. Ils se levaient parfois la nuit pour vérifier l’avancée des haricots et récolter, car si le haricot-vert dépassait le calibre extra-fin, il était refusé à l’export et les cartons étaient bradés sur le marché !
Les zébus aidaient aux champs et les femelles produisaient du lait que les femmes peules venaient nous vendre, avec lequel je faisais de bons fromages. Je les stockais dans un petit garde-manger en moustiquaire grillagée que nous avions fabriqué et suspendu au plafond de la chambre, loin des prédateurs de tous poils. J’avais installé un poulailler et un potager qui nous donnait oignons, salades, tomates, maïs .. et quelques fleurs autour de la case, que j’arrosais avec parcimonie car elles ne se mangent pas ! Pour l’eau, nous avions un forage de soixante mètres de profondeur et pour l’électricité, un groupe électrogène. Pas de téléphone ni connexion bien sûr à l’époque, et je n’avais aucun contact radio avec le chantier. En cas de problème grave dans la journée, seule solution : le gardien du camp prenait son vélo et pédalait plus d’une heure pour aller prévenir les hommes. En fait, ils étaient à quinze minutes en voiture mais je n’avais pas de voiture !
Mais il n’y a jamais eu de problème grave.
Jo le poussin passait son temps à poser des questions, Zerbo le gardien, lui apprit à faire du feu, à faire le thé. Le jardinier lui montra comment planter dans les bions, petits canaux d’irrigation. Avec moi, il s’occupait des poules, apprenait à lire et découvrait la brousse pendant de longues promenades avec le chat Gombé (!)
Le second Noël ...
Le second Noël (déjà un an !) se passa à la maison, les enfants étaient déguisés et jouèrent chacun fièrement un petit morceau de musique, puis vint l’heure d’aller appeler le Père Noël.
– Allez allez les enfants, tout le monde dehors !
Le temps était clair, une foule d’étoiles, pas un nuage, nous plantons le nez au ciel et crions à tue-tête :
– Père Noël, Père Noël, Père Noël
Seule Ilse était restée dans la case, prétextant un mal de tête pour pouvoir entrer dans la peau du personnage de légende, et l’effet fut garanti : A la lueur des bougies, on aperçut bientôt une silhouette en rouge et blanc qui s’activait à déposer les cadeaux.
– Eh, regardez, il est dans le salon, vite, passons par derrière, on pourra le voir avant qu’il parte !
– Non non, faut pas y aller, dit mon poussin, tétanisé (!)
Nous avons donc attendu prudemment et quand nous sommes entrés, le Père Noël était parti .. Ilse se reposait toujours dans la chambre, elle n’avait rien vu et rien entendu (haha) et les enfants se ruèrent sur les cadeaux !
Ensuite, il y eut ce dîner étonnant, à déguster des huîtres au fin fond de la brousse, incroyable ! Commandées à Ouagadougou, le chauffeur nous les apporta peu avant minuit, petit miracle de Noël ?