2017 - MARIA, des vents à 265 km/heure ..

Avant de parler de MARIA, revenons sur IRMA ..

le 5 septembre - IRMA - Ouragan de catégorie 5 mais hors norme, ravagea les îles de Saint Martin et Saint Barthélémy. Comme la plupart des ouragans, sa trajectoire était incertaine. On s’était donc préparé à affronter ce monstre, ce cyclone imprévisible qui descendait, remontait, et cibla finalement les îles du Nord, épargnant la nôtre ! Mais on s’était préparé, nous avions acheté des bâches supplémentaires, rempli les bidons d’eau potable, vérifié gouttières, fossés et grilles d’évacuation.
10h - Les bungalows étaient bouclés, des barres mises aux volets du gîte Boali.
13h – Le deck vidé, je faisais des photos de mon beau jardin, une boule au ventre.
18h30 – On avait fini de bâcher les lits. Aucun touriste au gîte, c’était facile !
Et au petit matin, on a su que le monstre nous avait évités pour s’acharner sur St Martin et St Barthélémy ..

Il fallut attendre trois jours pour voir les premières images des ravages occasionnés sur ces îles coupées du monde, par des vents dépassant les 360 km/heure, aucun phénomène d’une telle violence n’avait jamais été enregistré ..

17 septembre - Nous sommes encore sous le choc alors que l’ouragan MARIA de catégorie 1 s’approche. Le midi, nous déjeunons au restaurant La Touna, face à la mer, avec Marie (la soeur de Jeff) ainsi qu’un couple de ses amis et notre Allain de St Barth qui fait une escale à La Koumbala. Il a passé plusieurs semaines en métropole et doit rejoindre son île ravagée par IRMA pendant son absence. C’est un beau dimanche, le temps est superbe, la mer calme, comment imaginer que Maria deviendra un ouragan de catégorie 5 et que le restaurant La Touna sera en partie détruit par la houle et restera fermé pendant des mois !

18 septembre - 4h30 du matin - il faut emmener Allain à l’aéroport de Pointe à Pitre. Il a trouvé un ami qui accepte de faire un aller-retour à St Barth avec un Piper pour l’y déposer sans tarder, l’ouragan MARIA se renforce et l’aéroport fermera à 10h. Quant à nous, retour à La Koumbala où il faut agir vite car nous avons des touristes dans le bungalow Yanfolila. Il est moins exposé que le Toucouleur à la montée des eaux de la ravine, mais des arbres le menacent, pas question de laisser du monde à l’intérieur. Je contacte des gîtes de Deshaies, au nord de la Basse-Terre, car le cyclone ne doit pas les toucher. Eh oui, la trajectoire du cyclone permet tout de même de savoir où il ne frappera pas ! Là-bas, l’ambiance est à l’évacuation mais seulement en bord de mer à cause de la houle prévue. Nous trouvons donc à reloger nos clients sur l’intérieur des terres et ils partent en promettant de revenir le lendemain ... sans imaginer que la route sera coupée pendant 3 jours !

Et c’est parti, il faut à nouveau vider les terrasses, bâcher les lits pour protéger tout ce qui craint l’eau (matelas, oreillers, mais aussi lampes, linge, livres, on entasse tout) Dans la maison, nous protégeons aussi un maximum de choses, forts de la triste expérience des habitants des autres îles qui ont tout perdu au passage d’Irma, mieux vaut en faire trop que pas assez.

15 heures - Maria est en catégorie 3 - Son tracé se précise sur nous, l’inquiétude grandit, nous mettons une cantine dans le salon pour protéger ordinateurs et autre "mémoire vive", on ne sait pas à quoi s’attendre, le toit et les volets roulants tiendront-ils ? La maison date de 1997 et n’a vécu aucun ouragan majeur, va-t-elle résister ? Et si les tôles s’envolaient, et si le vent et l’eau s’engouffraient ? On essaie d’anticiper ! Nous ne sommes pas seuls, Béa, mon amie du Bénin, est arrivée pour trois semaines de vacances au bungalow Toucouleur avec son compagnon. On boucle le bungalow, ils s’installent au gîte Migunga mitoyen de notre salon. On déplace leur voiture à un endroit plus stratégique pour la chute des branches, les nôtres restent sous l’abri de tôle, s’envolera-t-il ?

18 heures - Maria est en catégorie 4 - A 19h30, Béa et Alain débarquent dans le salon, l’attente commence, on grignote, on boit une bière ..

20 heures - Maria est en catégorie 5 - Dehors le chahut s’intensifie, impressionnant, on scrute les bruits, les énormes rafales de vent, les craquements de branches, les trombes d’eau, les roches qui cognent dans le tumulte des eaux de la ravine ... Les heures passent, j’ai rangé mon ordinateur dans la cantine mais je garde le smartphone et reste en contact avec mon fils qui, à 17000 km de là (il est à la Réunion) m’écrit "tenez-bon, l’ouragan est en train de passer à 50 km en mer mais à partir de 4 heures du matin, il s’éloignera" .. Par chance, nous avons toujours l’électricité ! Pendant deux heures, on a tenu les volets roulants qui gonflaient dans notre dos, je pense qu’on avait tous la trouille mais on ne le disait pas !
Et puis ? A quatre heures du matin, le vent s’est calmé, c’était net, l’ouragan était passé, c’était enfin terminé, on s’en tirait bien, on est allé se reposer .. On apprendra plus tard qu’on a subi des rafales à 265 km/heure .. Et la maison a tenu !

19 septembre - 8 heures du matin - Les volets roulants à peine ouverts, les oiseaux envahissent la cuisine, ils semblent perdus, à la recherche de nourriture, on remplit mangeoire et abreuvoir ! Dehors, nos amis ont commencé à déblayer le chemin pour évaluer les dégâts, le vent souffle en rafales, gare aux branches en suspens, je ne suis pas fière ! La forêt est tombée sur le jardin mais elle a épargné les bâtiments et nos voitures ... Un gros travail de tronçonnage et de déblaiement nous attend, nous y passerons de nombreux jours (Cédric nous prête main forte, il m’aidait depuis quelques temps déjà au jardin). Côté ravine, l’eau en furie a monté un mur de roches sur son lit principal, l’eau passe maintenant sur le côté, changeant ainsi son cours normal, c’est fou la force de l’eau ! Il faudra deux jours de travail d’une pelleteuse pour rouvrir le passage d’origine et conforter les berges pour sécuriser le terrain. Aucun engin n’étant disponible vu la quantité de dégâts à réparer sur toute notre Côte sous le Vent, nous ne pourrons le faire avant l’année suivante.

Le lendemain nous descendons en bord de mer, le spectacle est désolant .. La rivière Bourceau a érigé un mur de roches qui a bloqué le pont et l’eau est passée par la route, traversant les maisons pour regagner la mer, l’eau trouve toujours un passage. En avançant vers la plage de Malendure, on n’ira pas plus loin, beaucoup d’eau, de galets, de débris, de branches d’arbres, du sable, de la boue, et la houle qui balance ses paquets de mer. La route restera coupée en de nombreux endroits trois jours durant ...
Ce que je vais retenir ? Même si nous sommes tout petits au regard de cette grande Dame Nature, j’accorde une mention spéciale aux îliens. A chacun des phénomènes que j’ai pu vivre durant mes dix-huit années passées en Côte sous le Vent, leur solidarité dans ces circonstances m’a frappée, ils n’hésitaient pas à s’aider les uns les autres, que ce soit pour tronçonner les arbres, nettoyer les maisons ou dégager le bord de mer saccagé par la houle. Une belle leçon ..